Le chantier des Halles de Paris
Qui ne s’est jamais perdu dans les innombrables couloirs et ruelles des Halles de Paris? Avec 750 000 voyageurs quotidiens, ces dernières souffrent de sa croissante fréquentation. N’étant plus adapté à son rôle de point névralgique de passage dans la capitale, il était nécessaire que la Ville de Paris se penche sur sa restructuration, mais surtout sur sa modernisation, notamment en ce qui concerne les normes de sécurité.
Après plusieurs années de discussion et 2 concours d’architectes – sans compter le nombre d’études de faisabilité réalisées – c’est en 2010 que le premier coup de pioche a été donné sous la supervision de l’architecte David Mangin. Lorsque l’on se penche d’un peu plus près sur le projet qui a été dévoilé par la Mairie de Paris, on découvre que ces nouvelles Halles doivent particulièrement redonner au quartier une image accueillante en l’ouvrant sur la ville et en l’équipant davantage de commerces et d’espaces culturels.
DU BAZAR AU FORUM DES HALLES, PLUS DE 50 ANS D’HISTOIRE
Avant d’être un forum commercial et l’une des gares les plus importantes de la capitale, les Halles de Paris abritaient initialement un immense bazar où l’on pouvait trouver tout et n’importe quoi. Au XIIème siècle sont ensuite bâties des halles pour drapiers qui ont tout de suite été très appréciées par les populations environnantes. L’édification de l’église Saint-Eustache au XVIIème siècle confère au quartier un nouveau statut et plusieurs marchés en tout genre fleurissent aux alentours jusqu’au XXème siècle.
En 1960, Michel Debré, alors 1er ministre sous la présidence de Charles de Gaulle, décide de placer les négociants du marché de gros à Rungis et à La Villette. Cette vaste opération avait pour objectif de (re)dynamiser un quartier qui tombait en perdition.
Une campagne de travaux démesurés est lancée, on démolit les 12 bâtiments qui composaient les Halles Baltard, du nom de son architecte. On creuse jusqu’à plus de 20 mètres sous terre pour permettre aux prochains RER de circuler. L’espace béant laissé par le chantier en construction reçoit le charmant surnom de Trou des Halles.
Le cinéma n’a pas manqué d’illustrer ce passage de l’Histoire, notamment dans Les Gaspards, un film réalisé par Pierre Tchemia où un groupe militant combat les grands travaux urbains menés à cette époque. A partir des années 70, les Halles devinenent alors une ville dans la ville : transports en communs, commerces, restaurants, espaces culturels et sportifs, rien ne manque. Le tout est réparti sur 4 niveaux qui ne comptent pas moins de 70 000 m2.
AUJOURD’HUI, UN CHANTIER HORS NORMES AVEC SES POLEMIQUES ET SES DETRACTEURS
D’après le document de présentation du projet de réaménagement des Halles, la Ville de Paris engage dès 2002 une démarche de concertation publique. Ces réunions regroupent riverains, associations, élus locaux et toutes personnes intéressées par le dossier. Les débats qui s’y déroulent ont nourri au fur et à mesure les réflexions quant à la conception de ces nouvelles Halles.
Pour autant, l’association de riverains Accomplir a dénoncé la démolition complète du site et tout particulièrement du jardin. Un article du journal Le Monde, paru en avril 2012 relatait cette contestation :
Le projet retenu, proposé par l’architecte David Mangin, prévoit en effet l’aménagement d’un vaste jardin, mais sa mise en place a impliqué la destruction de « plusieurs espaces auxquels une majorité des riverains était très attachée, comme le jardin Lalanne », explique la riveraine, qui a pris la tête de la contestation du projet. « On nous avait promis au début que ce jardin pourrait être conservé, et finalement, on n’a pas eu notre mot à dire dans l’histoire. Il n’y a eu aucun compromis, alors qu’on ne demandait pas beaucoup », reproche Elisabeth Bourguinat, qui n’hésite pas à parler de « mensonges » et de « traîtrises » du côté des pouvoirs publics. « Le problème avec cette stratégie, c’est qu’on peut potentiellement créer de nouvelles difficultés, sans supprimer les anciennes », prévient en outre la présidente de l’association.
Du côté de l’Hôtel de Ville, on affirme au contraire que le projet a été choisi parce qu’il ne modifiait pas « brutalement » la physionomie du quartier. « Il y avait des projets très ambitieux d’un point de vue urbain et architectural, mais qui auraient été impossibles à réaliser. Nous avons retenu un projet qui s’appuyait sur la structure existante, pour limiter la facture et épargner au maximum les riverains », se défend un proche de la Mairie de Paris, avant de trancher lapidairement : « Il y aura toujours des mécontents. »
La Ville de Paris, de son côté assure pourtant que les Halles seront plus ouvertes, accessibles, conviviales et végétales. Le jardin est qualifié de « vaste prairie entre deux lisières boisées, riche de plantations, ponctuée çà et là d’aires de jeux pour enfants, de bancs, de terrains de pétanque, d’échiquiers, etc. ». Sans parler des trajectoires piétonnes améliorées comme illustrées dans les dessins préparatoires ci-dessous. De son coté, Jean-Fraçois Legaret, maire du Ier arrondissement de Paris relate qu’ont été abattus « […] plus de 300 arbres en bonne santé […] ».
Les avis sont toujours divers et variés lorsqu’il s’agit de grands projets d’urbanisme. La subjectivité de chacun est difficilement discutable, néanmoins nous pouvons admettre qu’en termes de budget, le projet fait preuve d’une dérive financière quasi unique. Au départ, le coût du chantier de rénovation des Halles était estimé à 200 millions d’euros. Aujourd’hui la facture s’élève à plus d’un milliard d’euros. Il s’agit certes d’un projet de grande envergure avec une belle ambition mais une telle augmentation financière suppose obligatoirement une mauvaise étude préparatoire.
Au delà du budget qui s’alourdit de jour en jour, l’esthétique des nouvelles Halles est loin de faire l’unanimité, notamment celle de la Canopée. Il s’agit d’une grande pièce courbe, réalisée de verre d’acier, qui se trouvera à l’entrée du Forum des Halles. Cette canopée devra marquer le passage entre l’espace souterrain et l’espace extérieur, tout en marquant une continuité d’accès.
© Studiosezz / © Les Halles de Paris
Toujours d’après le document de présentation du projet, la Canopée surplombera l’ensemble des Halles tout en créant des passages couverts sur ses extrémités. Gigantesque infrastructure, cette canopée compte 16 000 écailles dans les tons jaunes qui couvriront 2,5 hectares au total. Translucide, elle permettra d’apporter une luminosité et une ventilation naturelle. Elle captera également l’énergie solaire grâce à des cellules photovoltaïques disposées au-dessus de plusieurs bâtiments. Sur un plan strictement architectural, nous nous inquiétons de ce qu’il adviendra lors de la prochaine tempête sur la ville…
Les travaux sont d’une grande complexité car le Forum des Halles reste ouvert à plusieurs endroits pendant toute leur durée. Vous l’aurez compris, ce chantier qui a démarré il y a maintenant 5 ans ne faiblit pas en polémiques. Pour autant, ses ambitions de développement sont tout à fait louables : bibliothèque, conservatoire, ateliers de pratiques amateurs (chant, danse, musique, théâtre), centre culturel dédié au Hip-Hop… L’Homme et le développement culturel sont placés au cœur du projet dans le renouveau des infrastructures.
Un peu de patience, nous vous en reparlerons dès 2018 !
Le chantier des Halles multiplie les fausses notes – Le Monde
1er arrondissement, les Halles, six ans de travaux, pour quoi ? – L’Obs
Image en couverture – Credit : JULIEN DE FONTENAY/JDD/SIPA/1406151301 – SIPA
Les photos de cet article ont été transmises par l’équipe presse © Paris les Halles