L’Egypte à Paris – influences architecturales et symboliques
En cette période estivale propice aux voyages et aux découvertes culturelles, nous avons choisi de consacrer ce nouveau dossier à l’influence architecturale et symbolique qu’a exercée l’Egypte au cœur de notre capitale.
En effet, de nombreux bâtiments parisiens témoignent d’un engouement certain pour l’Egypte, apparu dès le milieu du XVIIIe siècle. A cette époque, les jeunes artistes envoyés à Rome pour parfaire leur formation découvrent le musée égyptien créé par le pape Benoît XIV au Capitole ainsi que la chambre égyptienne aménagée dans la villa Borghèse. Les gravures architecturales de Giovanni Battista Piranesi participent également à la diffusion du style égyptien en reproduisant des éléments architecturaux antiques. Des ouvrages de voyageurs alimentent aussi l’imaginaire des parisiens qui succombent à la première mode égyptienne, souvent fantaisiste et idéalisée.
Charles Joseph NATOIRE, Artistes dessinant dans la cour intérieure du Musée du Capitole à Rome en 1759 © Musée du Louvre
Plus tard, l’expédition de Bonaparte en 1798 sur les terres d’Egypte ravive cette mode déjà bien implantée à Paris et qui touche tous les domaines artistiques. L’Empereur part alors conquérir un territoire mais aussi découvrir un pays et ses richesses, aider par une armée de savants. Certaines rues parisiennes commémorent cette campagne napoléonienne. Dans le 2eme arrondissement, nous retrouvons par exemple la rue du Caire, la rue du Nil, la rue d’Aboukir et la rue d’Alexandrie. Probablement construit par l’architecte Berthier en 1828,le n°2 place du Caire, un immeuble de 5 étages, est réalisé dans un style nommé « retour d’Egypte » : la façade s’orne de fresques de hiéroglyphes, de colonnes à chapiteaux lotus et de têtes de la déesse Hathor.
Après la campagne d’Egypte, le style « retour d’Egypte » fait fureur à Paris comme en témoigne aussi la Fontaine du Fellah de l’ingénieur François Jean Bralle, édifiée en 1806 au n°42 de la rue de Sèvres. Cette dernière a l’aspect d’un temple égyptien bien que le traditionnel disque solaire ailé de l’Egypte antique ait été remplacé par l’aigle impérial. La statue centrale s’inspire d’une sculpture d’Antinoüs, favori de l’empereur Hadrien, que Napoléon ramena d’Italie comme prise de guerre.
La même année, Napoléon commande également à François Jean Bralle la Fontaine du Palmier –aussi connue sous le nom de Fontaine du Chatelet- pour commémorer ses victoires. Son sommet est décoré de feuilles de palmier et quatre sphinx délivrent de l’eau gratuite et potable aux parisiens.
L’aile Lemercier de la Cour Carré du Louvre, située à l’ouest, dissimule elle aussi de nombreuses évocations de l’Egypte ancienne. Amusez-vous à retrouver la personnification du Nil adossée contre une pyramide, le pied posé sur la tête d’un crocodile et tenant une jarre d’où s’écoule de l’eau. Cette sculpture fut réalisée en 1806 par Philippe-Laurent Roland.
Un peu plus loin, Isis est coiffée de cornes de vache et d’un disque surmonté d’une fleur de lotus. Elle est vêtue d’un pagne égyptien et tient dans sa main un sistre. Un faucon, symbolisant son fils Horus, se tient sur son épaule. C’est le sculpteur Jean-Guillaume Moitte qui réalise l’attique où elle se trouve entre 1805 et 1806.
Enfin, Cléopâtre est également représentée plus tardivement, en 1902, par Ferdinand Faivre. Elle tient dans sa main un serpent, l’animal qui lui donna la mort, et porte une coiffe en forme de vautour ornée de l’uraeus : un cobra qui protège les pharaons contre ses ennemis.
Les échanges entre les deux pays se perpétuent bien après le départ des troupes napoléoniennes.
En 1831, Mehmet Ali offre à Paris l’Obélisque de Louxor qui trône encore fièrement sur la place de la Concorde et qui fût construit originellement par Ramsès II à l’entrée du temple de Louxor. Ce cadeau diplomatique remercie la France pour son soutien politique face à l’Empire Ottoman ainsi que pour sa participation à la modernisation technologique de l’Egypte.
Le culte de la civilisation égyptienne inspire les arts, l’architecture mais aussi l’iconographie. La Franc-maçonnerie, par exemple, situe son origine à l’époque de la construction des pyramides. On retrouve dans ses symboles de nombreuses références à l’Egypte comme la pyramide, le sphinx ou les hiéroglyphes. Construit en 1893, le Temple du Droit Humain est une loge ouverte aux femmes fondée par Maria Deraisme dont l’architecture témoigne par exemple de cette influence. On retrouve sur sa façade, au n°5 rue Jules Breton, des colonnes en forme de lotus ainsi que des croix ansées sur la balustrade.
Il en va de même pour la curieuse pyramide du parc Monceau qui n’est autre que la tombe de Louis-Philippe d’Orléans, cousin de Louis XVI et premier Grand Maître de l’Orient en France en 1771.
Construit en 1921 par l’architecte Henri Zipcy, au n°170 du boulevard de Magenta, le cinéma Le Louxor témoigne de la continuité de l’influence égyptienne qui traverse les siècles. Inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, la façade néo-égyptienne du bâtiment offre aux regards des passants des mosaïques multicolores, des motifs floraux, des scarabées, des cobras et un immense disque ailé qui permettent au lieu de se démarquer de ses concurrents.
A la fin du XXe siècle, l’influence égyptienne ne se dément toujours pas. En 1989, à l’occasion du bicentenaire de la Révolution Française, la Ville de Paris commande un monument commémoratif : le Monument des Droits de l’Homme du jardin du Champ-de-Mars. Imaginé par le sculpteur tchèque Ivan Theimer, il prend la forme d’un temple égyptien en pierres taillées. Une immense quantité d’allégories issues des mystères de l’Egypte antique et de la tradition maçonnique recouvre le monument. Approchez-vous et prenez le temps de déchiffrer les secrets de ce qui est sans doute l’un des monuments les plus intriguants de la Capitale !
La même année, en 1989, la Pyramide du Louvre ouvre au public. Conçue par l’architecte Ieoh Ming Pei, la pyramide qui a pour objectif de moderniser le musée et d’en devenir l’entrée principale, fait l’objet de multiples controverses avant de devenir la troisième œuvre la plus prisée des visiteurs après la Joconde et la Venus de Milo.
Bien sur, ceci n’est qu’un petit aperçu de l’incroyable influence égyptienne au cœur de la Ville de Paris. On dénombre également une centaine de sphinx à travers la capitale ainsi qu’une quinzaine de sépultures d’inspiration égyptienne dans le cimetière du Père Lachaise. D’autres monuments sont parfois inaccessibles au public ou dissimulés aux regards des passants pressés.
Vous aussi, partez à la recherche de cette héritage architectural et symbolique riche en anecdotes et en mystères !
Notre carte pour géolocaliser les lieux présentés dans ce dossier