Une soirée au Théâtre National de l’Opéra-Comique avec Denis Podalydès
Jusqu’au 31 décembre 2017, Le Comte Ory se joue au Théâtre National de l’Opéra-Comique, à Paris. À cette occasion, nous avons eu la chance de découvrir ce lieu féérique rempli d’histoire, mais aussi de rencontrer son metteur en scène, Denis Podalydès, et de pouvoir assister aux répétitions de la pièce le temps d’une soirée. Venez, on vous fait visiter les coulisses d’un Opéra !
Le Théâtre National de l’Opéra-Comique est l’une des plus anciennes institutions théâtrales et musicales de France. Créé en 1714, sous le règne de Louis XIV, il a fêté en 2014 ses 300 ans d’existence. Mais le bâtiment actuel date de 1898 et a subi une magnifique restauration de son foyer en 2016.
De tout temps, au Théâtre National de l’Opéra-Comique, le jeu est naturel et toujours empreint de vérité. L’institution est d’ailleurs connue pour l’inventivité de ses représentations théâtrales. Le public des siècles derniers avait l’habitude d’aller à l’Opéra-Comique en famille, c’est pourquoi on veillait toujours à la moralité et aux fins vertueuses des œuvres présentées. Les représentations avaient lieu tous les soirs, et parfois même deux fois le dimanche.
Lorsque l’on pénètre dans ce lieu de spectacle, nous sommes accueillis par une statue de Carmen de Bizet et une autre de Manon de Massenet. Il faut monter l’escalier majestueux pour rejoindre le foyer et la salle de spectacle, dite Favart en référence à l’auteur Charles-Simon Favart. Ses sièges au velours rouge immaculé peuvent accueillir jusqu’à 1200 personnes.
L’histoire de la salle Favart n’a pas été qu’heureuse. En trois siècles, elle a subi plusieurs incendies, mais c’est celui de 1887 qui fut le plus spectaculaire. Il fit une centaine de victimes et mit au chômage tout le personnel du théâtre pendant une dizaine d’années. Depuis, il est obligatoire pour tous les théâtres de se doter d’un éclairage à l’électricité. Ici, les portes s’ouvrent désormais sur l’extérieur et une meilleure circulation a été pensée. Dans les escaliers, une alternance de marbre, tantôt veiné, tantôt uni, devait faciliter l’évacuation du public féminin habillé de robes longues. On allie ainsi l’esthétisme aux besoins de sécurité.
Lors de cette visite du Théâtre National de l’Opéra-Comique, nous avons eu le plaisir d’assister aux répétitions du Comte Ory. Il s’agit d’une comédie lyrique, entièrement mise en musique et composée par Gioachino Rossini en 1828 d’après un livret en français d’Eugène Scribe et de Delestre-Poirson. Le Comte Ory est l’avant-dernier opéra du compositeur ; pour l’anecdote Rossini a ensuite consacré sa carrière à la cuisine – un ami de la culture et de la gastronomie !
Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire du Comte Ory, la voici telle que présentée sur le site du Théâtre National de l’Opéra-Comique :
« À l’époque des croisades, les châtelains français quittent leurs domaines pour la Terre sainte et laissent parfois des femmes sans défense. C’est ainsi que la brave Dame Ragonde se retrouve gardienne du château de Formoutiers où, en l’absence du seigneur, se languit sa sœur, la belle comtesse Adèle. Or le comte Ory, seigneur aventurier et sensuel, entreprend de séduire les jeunes femmes enfermées, avec la complicité de son compagnon de débauche, Raimbaud. Travestis en ermites, ils gagnent la confiance de Dame Ragonde qui cherche un pieux consolateur pour sa maîtresse… »
Cette comédie en français reprend des éléments musicaux italiens sur un fond religieux plutôt scabreux. Cette pièce est l’un des opéras les plus joués au XIXe siècle. L’histoire est très naïve, inspirée du Moyen-Âge, il n’y a pourtant pas de fond délirant, le tout est plutôt austère de prime abord.
Denis Podalydès nous confie qu’il souhaitait que le comique de la pièce arrive sur ce fond sérieux et toujours lors de situations graves. Le Comte Ory est l’archétype du personnage que l’on retrouve dans les romans du XIXe siècle, tels les jeunes héros stendhaliens. Il est rusé, naïf, romantique, empreint d’une allégresse profonde et toujours en quête du bonheur alors que la société dans laquelle il évolue tente par tous les moyens de le réprimer. C’est un jeune homme pas tout à fait conscient de son pouvoir de séduction envers les autres. Ici, le metteur en scène nous explique avoir moins mis l’accent sur l’aspect « imposteur, calculateur » du personnage et le côté « grivois » de la pièce.
Denis Podalydès insiste particulièrement sur le pouvoir organique de la musique de cet opéra. Elle nous plonge dans une forme d’ivresse très rapidement car presque toutes les scènes possèdent des montées rythmiques qui peuvent littéralement faire tourner la tête des spectateurs ! Le travail des musiciens et des chanteurs est immense. Ils donnent une impression de finesse et de légèreté pour toucher la folie de l’œuvre. Tout semble évidemment facile pour le spectateur alors que leur prestation est une prouesse en soi.
On vous laisse ici, sans photo des répétitions car il faut garder la surprise des splendides décors et costumes réalisés par Éric Ruf et Christian Lacroix. Nous ne pouvons que vous conseiller d’assister à l’une des prochaines représentations. Dernier argument pour vous motiver, Denis Podalydès nous confie sentir quelque chose de très anti-puritain dans la musique de Rossini : « on peut l’assimiler aux Beatles, ils ont cette capacité commune à transporter les foules. » !
Théâtre National de l’Opéra-Comique
Le Comte Ory, mis en scène par Denis Podalydès 1 place Boieldieu, 75002 Paris
M 8 & 9 : Richelieu – Drouot