Laurence Boursican pour Culture Time
Mise à jour : Culture Time est désormais Commeon mais se charge toujours de soutenir les actions culturelles par le biais du mécénat participatif.
▪ Bonjour Laurence, tout d’abord pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre parcours ?
Bonjour, je m’appelle Laurence Boursican. J’ai créé Culture Time avec deux associés, Thérèse Lemarchand et Jean-Noël Juston. Nous nous connaissions par des relations personnelles et nous nous sommes aperçus que nous avions des profils assez complémentaires, d’ingénieur, de développeur et de commercial.
Moi-même j’ai longtemps travaillé dans la finance innovante et la création d’institutions de microcrédits au Brésil. De retour à Paris, je me suis spécialisée dans la micro finance, puis j’ai eu envie de créer de nouveau un projet entrepreneurial innovant, d’où l’idée de Culture Time.
© Julien Vachon
▪ Vous êtes l’une des trois associés de Culture Time. Comment est née l’idée d’un projet si singulier et comment fonctionne-t-il ?
Au total, nous sommes une équipe de 6 au sein de Culture Time, 3 associés et 3 juniors. Je pense que nous sommes tous passionnés à la fois de culture et d’innovations. Nous connaissons bien le monde financier et notre idée était alors de croiser les potentialités du mécénat et du crowdfunding pour permettre ainsi le rayonnement de théâtres, de festivals, de musées de manière plus importante en s’appropriant de nouveaux outils numériques.
Culture Time s’adresse notamment au mécénat des particuliers qui est relativement moins connu que celui des entreprises, mais qui offre néanmoins plus de possibilités pour les personnes souhaitant s’impliquer et soutenir personnellement un musée ou un projet culturel qui leur est cher.
L’appel à la souscription personnelle existe depuis longtemps dans la culture. Notre idée était de valoriser cette formidable opportunité du financement participatif – qui vient des États-Unis et s’est implantée en France de manière importante maintenant. D’après le baromètre de l’association France participative, plus d’un million de français ont déjà fait un don participatif sur l’année 2014.
Notre travail est d’accompagner des projets, tout d’abord dans une démarche commerciale pour faire de la pédagogie autour du crowdfunding et passer au-dessus des idées reçues. Ensuite, nous proposons aux porteurs de projets de les aider à préparer leur campagne en terme de communication numérique.
La motivation du porteur de projet et sa capacité à mobiliser une communauté plus ou moins importante sont essentielles à la bonne conduite d’une campagne de crowdfunding. Culture Time ne doit pas se substituer à la prise de parole du porteur de projet, il doit créer lui-même une relation avec ses donateurs. Par contre, au-delà de l’outil de collecte, nous sommes présents pour partager toutes les bonnes pratiques, nos expériences et nos savoir-faire, d’autant plus qu’aucune campagne ne se déroule jamais de la même manière.
© Culture Time
▪ Habituellement, comment sélectionnez-vous les projets à crowdfunder ?
Nous avons deux critères importants qui font la particularité de Culture Time. Le premier est d’être 100% culture et éducation mais aussi 100% mécénat. Cela signifie que nous présentons sur la plateforme seulement des projets éligibles à la loi mécénat, c’est-à-dire reconnus d’intérêt général lorsqu’il s’agit de projets de fondations ou d’associations, ou d’institutions publiques.
Pour être sélectionné comme projet, il faut aussi avoir des qualités d’accessibilité pour s’adresser aux futurs donateurs et des qualités participatives : le projet doit être motivant, facile à comprendre et engageant pour n’importe quel type de public.
Nos méthodes de sélection sont mixtes. Certaines structures ont déjà un projet et une présence importante sur le web, alors nous allons parfois directement à leur rencontre pour leur proposer nos services. D’autres nous contactent directement car elles souhaiteraient mettre en place une campagne mais n’ont pas encore la visibilité pour le faire.
La particularité réside dans le fait que toutes nos structures participantes sont professionnelles. Elles existent avant et après leur campagne de crowdfunding sur Culture Time, ce qui est légèrement différent de ce que font les jeunes créateurs artistiques par exemple. Nous avons ainsi des critères de modération ouverts sur l’originalité et la qualité des projets de manière générale. Ce qui est important avec les structures déjà professionnelles, c’est qu’elles ont toutes un agenda, le projet de crowdfunding doit s’inscrire en pleine cohérence avec la programmation existante.
© Culture Time
▪ Quelle est la spécificité de Culture Time face aux plateformes de crowdfunding plus généralistes comme My Major Company ?
Culture Time une plateforme de crowdfunding assez classique permettant de présenter des projets et d’animer des campagnes avec la réception des dons en temps réel. Nous avons beaucoup de points communs avec My Major Company qui est l’un des pionniers en matière de crowdfunding. Culture Time repose tout comme ce dernier sur la force des projets et des communautés qu’ils inspirent. Toutefois, nous avons aussi quelques divergences.
Chez Culture Time, nous avons développé deux choses assez particulières pour les porteurs de projets. Outre une valeur de service, nous mettons à disposition des outils de gestion de campagne comme l’émission automatique de reçus fiscaux. D’une part, strong>nous n’avons pas de règle de « tout ou rien », c’est-à-dire que quelque soit le montant de la collecte, il reste acquis à la fin de la campagne même si l’objectif de départ n’est pas rempli. Nous justifions toujours aussi les écarts, que les dons soient supérieurs ou inférieurs au montant souhaité initialement : Qu’allons-nous faire avec le surplus d’argent ? Quelles réalisations sont possibles avec seulement 50% de l’objectif atteint ? Les structures répondent toujours à ces interrogations.
▪ Selon vous, quels sont les mécanismes incitatifs du don ? Pensez-vous que les avantages fiscaux sont un point déterminant pour les donateurs ?
Je pense qu’il existe plusieurs grandes forces de motivations pour qu’un particulier fasse un don. Nous sommes très présents en région et nous croyons beaucoup à la force du lien territorial pour le mécénat participatif. Il y a vraiment un effet important de mobilisation des acteurs territoriaux en soutien d’une campagne et des locaux pour un projet proche de chez eux. Il s’agit d’une des motivations principales de soutien. Un projet près de chez soi génère un dynamisme citoyen. C’est quelque chose de très fort pour le mécénat : la transmission de la culture et une manière de la rénover et de la rendre vivante.
Le second moteur important selon moi est la proposition de contreparties. La loi mécénat est particulière au sens où les contreparties aux individus ne doivent pas être d’ordre financière. Il s’agit là d’une contrainte mais aussi une opportunité. Cela permet d’inventer de nouvelles possibilités et de se montrer toujours plus créatif. Les porteurs de projets sont donc obligés d’aller vers des donateurs. Ils leur proposent des expériences assez incroyables comme d’aller visiter des réserves, d’assister à une répétition générale, d’être dans les coulisses pendant une partie du spectacle… Ces cadeaux sans prix sont des éléments importants de motivation car nous entrons vraiment dans une nouvelle expérience culturelle en s’associant ainsi comme donateur dans un geste d’échange non marchand, généreux et très riche en souvenirs personnels.
Face à ces motivations, nous nous sommes rendus compte que l’incitation fiscale n’est qu’un coup de pouce qui vient loin derrière l’intérêt du projet culturel.
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© Culture Time
▪ A ce jour, quel bilan pouvez-vous faire du développement de Culture Time ?
Nous avons démarré en mai 2014, cela fait donc un an que la plateforme est en ligne. Il s’agissait d’un pari calculé car le fait de se spécialiser sur un secteur était relativement audacieux. Désormais beaucoup de plateformes de crowdfunding sont spécialisées, que ce soit dans le sport, la santé ou autre. Ce phénomène de communauté d’intérêts ou de valeurs est en train de se développer très rapidement.
Enfin, nous pensions que le crowdfunding était bien adapté à la culture, un outil très propice pour recréer ce lien personnel autour d’une création artistique et d’un porteur de projet culturel. Il y a une vraie pression sur les financements dans la culture alors nous avons lancé Culture Time en nous disant que la culture et l’éducation ont besoin d’un outil adapté pour fédérer une communauté. https://www.culture-time.com/Une campagne de crowdfunding ne représente jamais 100% du financement du projet, elle vient en complément et permet de diversifier les sources de financement des structures culturelles.
Tous nos donateurs connaissent la plupart du temps les porteurs de projet en amont, mais il s’agit souvent d’une première expérience de mécénat pour eux.
Nous nous sommes aussi aperçus qu’aux projets à durée déterminée s’ajoutent des projets annuels qui s’inscrivent dans les missions générales des structures culturelles. Par exemple, des ensembles orchestraux comme les Arts florissants ou le Centre de musique baroque de Versailles ont des programmations qui les amènent à tourner dans toute la France. Une campagne de 6 semaines n’a pas forcément de sens pour eux, quand leur projet tourne aussi autour d’une mission d’ouverture aux jeunes talents et à une démocratisation de leur programmation sur tout le territoire. Nous adaptons alors le crowdfunding selon leurs projets tout en en gardant l’esprit. Le projet fait la motivation.
Pour pouvoir inclure tous types de populations et tous âges, Culture Time a fait le choix de traiter aussi les chèques online, chose rare sur les plateformes de crowdfunding. La clé, c’est la transparence. Tout le monde peut devenir mécène à partir de 10€.
Un an après, nous sommes très contents de nos retours. Nous sommes en phase de développement pour ouvrir notre plateforme aux Très Petites Entreprises et Petites et Moyennes Entreprises pour qu’ils puissent donner tels des particuliers, car nous nous sommes rendus compte que ces acteurs étaient importants au sein des territoires.
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© Culture Time
▪ Nous imaginons que vous avez certainement des projets qui vous tiennent tout particulièrement à cœur. Pourriez-vous nous en citer quelques-uns ?
En ce moment j’ai deux coups de cœur, le concert au sommet du mont-blanc et la restauration des animaux de la Grande verrière de musée d’Histoire Naturelle de Lille.
Le premier est un projet un peu fou et très original. L’Orchestre des Pays de Savoie a fait le pari d’atteindre 4810 mètres d’altitude pour y faire un concert qui sera filmé. Les musiciens et alpinistes ont ainsi besoin de 4810€ où chaque euros représente un mètre gravi !
La seconde campagne est le témoin d’une mobilisation locale efficace. Les ambassadeurs de la campagne sont très sympathiques : Bérengère l’ourse polaire, Gaston le mouflon et Ginette la girafe vous proposent des contreparties très amusantes.
De plus, un très beau projet vient d’être lancé par l’association Le Citron Jaune à Arles pour aider Abraham Poincheval à fabriquer une bouteille en verre géante afin de pouvoir remonter le Rhône : Une bouteille venue de la mer. Spécialiste des immersions extrêmes, cet artiste a déjà fait beaucoup parler de lui lors de sa performance au musée de la Châsse et de la Nature où il s’était enfermé dans un ours pendant treize jours.
Nous avons de très belles campagnes en ce moment. En terme d’objectif, nous avons eu des collectes de 10 000€ et plus, comme celle du projet d’ouverture du théâtre des Champs-Elysées à de nouveaux talents, ou encore le projet du musée de l’Oise qui souhaitait pour sa réouverture début 2015 restaurer l’œuvre majeure de Thomas Couture, L’Enrôlement des volontaires, de 1792. Par ailleurs, nous avons un festival qui a achevé sa campagne avec près de 150% de son objectif initial.
Nous sommes aussi ravis d’accueillir des projets de taille plus modeste mais qui créent à la fois du lien avec de nouvelles régions, de nouveaux donateurs et qui sont également vertueux. Ces projets à 2 ou 3000€ d’objectif participent à un engagement du donateur auprès du porteur de projet et favorisent la fidélité des participants. Dernièrement, nous avons eu deux projets sympathiques en Bretagne. Le premier pour le musée de l’Ancienne abbaye de Landévennec autour de l’archéologie des premières crêpières datant de 500 ap. J-C ; le second concerne le festival Quatuor à l’ouest pour la création d’un spectacle à destination des enfants de cours moyen de la presqu’île de Crozon. Ces projets ont chacun des particularités qui jouent sur plusieurs motivations finales auprès des locaux.
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© Culture Time
▪ Traditionnellement, nous posons la question à tous nos interviewés : Quelles sont vos adresses parisiennes ?
J’aime beaucoup tous les cafés liés aux musées, je trouve qu’il y a une ambiance très particulière dans ces lieux souvent magnifiques. On y rencontre les autres visiteurs de manière plus détendue. J’adore le très original Yoyo du Palais de Tokyo et la cafétéria du Musée d’Orsay qui offre une vue splendide. Ce sont des lieux conviviaux qui ont un petit plus que les autres cafés parisiens traditionnels.
En dehors de Paris, de part mes origines toulousaines, j’aime beaucoup ces lieux porteurs de chaleur comme par exemple la librairie Ombres blanches. Il s’agit d’une librairie qui a repris tout un pâté de maison dont elle a envahit petit à petit les rez-de-chaussée. Il y a aussi un salon de thé dans une cour ouverte avec quelques parasols où vous êtes environnés de livres et de personnes animant des débats et autres événements culturels.
Le mot de la fin
Culture Time a en permanence le défi d’être à la pointe de l’innovatio. Il n’y a pas de grandes innovations, elles sont souvent petites mais toujours essentielles. Nous avons le souci d’être à l’écoute, à la fois des donateurs et des porteurs de projets. Culture Time a l’obligation d’être très performant dans toutes nos interactions. Ce métier est passionnant par les rencontres que l’on fait et les outils que l’on développe !