Coline Philbet & Le Génie du corps : Exposition Universelle 2025
▪ Bonjour Coline ! Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
Bonjour ! J’ai 23 ans, j’habite à Paris et je suis en Master 2 à l’Institut de Recherche et d’Etudes Supérieures du Tourisme, spécialisée dans le développement et l’aménagement touristique des territoires. J’ai un parcours assez atypique : j’ai commencé par une prépa Science Po couplée à une première année de licence d’Histoire, puis je me suis orientée vers la Géographie pour terminer ma licence, pour finalement me lancer dans un Master de recherche en « Culture, Politique et Patrimoine ».
Riche mais néanmoins très théorique, j’ai voulu me diriger vers une formation plus professionnelle et concrète. L’étude des territoires et de leur valorisation, associée à ma passion pour le voyage m’ont naturellement orientée vers le tourisme.
Coline a fait partie des 400 étudiants qui ont participé à l’élaboration du projet de candidature de la France pour l’Exposition Universelle de 2025.
Revenons sur son expérience.
▪ Comment t’est venue l’idée de travailler au sein du Centre Michel Serres ? Pourquoi avoir voulu faire cette expérience ?
C’est ma directrice de mémoire, l’anthropologue Saskia Cousin, qui m’a conseillée de postuler pour ce stage car il pouvait être mis en lien avec mon sujet de mémoire, qui porte sur « Les pratiques touristiques au Parc de la Villette et son rôle dans l’élargissement du ‘Paris touristique’ classique ». J’aborde donc la mise en tourisme du Nord Est Parisien et plus globalement je questionne l’identité et la valorisation touristique de notre futur Grand Paris, notion encore très floue dans les esprits. Il se trouve que l’une des ambitions de l’Association ExpoFrance est justement de construire une Exposition Universelle qui pourrait accompagner le développement physique et psychologique du Grand Paris.
Et puis une Exposition Universelle, c’est un grand évènement international : il m’a donc paru intéressant de pouvoir travailler à l’origine même du projet, quand tout est possible et les contraintes minimes. Ce qui m’a attiré au Centre Michel Serres, c’est aussi la pluridisciplinarité : nous étions 12 étudiants aux parcours et personnalités très différents (design, architecture, philosophie, histoire de l’art, ingénierie, droit, tourisme, économie…) ce qui nous a permis de proposer un projet riche, avec des angles de vue très variés.
▪ En quoi consistait ton travail là-bas ?
Notre projet était divisé en plusieurs étapes. Dans un premier temps, il s’agissait d’un gros travail de recherche sur l’Histoire des Expositions Universelles, car il est important de connaitre les origines et d’analyser les mutations de notre société pour comprendre quel a été et quel est le sens aujourd’hui d’une Exposition Universelle.
Dans un second temps, un véritable travail de créativité nous a été demandé : emprunté aux méthodes de designers, le brainstorming nous a permis à chacun de proposer des idées, des concepts, des thèmes sans aucun tabou ni retenue sur ce que pourrait être selon nous une Exposition Universelle en 2025. Ce travail a été réalisé durant un séminaire de trois jours : on a débattu, réfléchi à toutes les propositions, tenté de discerner les grandes tendances et valeurs qui en ressortaient pour finalement garder trois « thèmes » de base qui ont été développés par la suite : « Conscience environnementale », « Communauté-monde » et « le Corps ».
Concrètement mon travail personnel consistait d’une part en une réflexion sur l’organisation du territoire de l’Exposition, travail commun avec les architectes du groupe : quels sites choisir et pourquoi, comment les valoriser avant, pendant et après l’évènement…etc. Cela allait donc plus loin d’une « simple » réflexion sur la logistique et l’organisation d’un évènement en termes de flux de visiteurs et d’accessibilité. D’autre part, j’ai également contribué avec l’aide de Marine Sedan, aussi étudiante en tourisme, à la réflexion sur l’expérience que pourra vivre le visiteur durant l’Exposition : parcours urbains à travers le grand Paris, activités et évènements ponctuels…etc.
▪ Le Centre Michel Serres a choisi de développer le thème du Génie du corps au regard de la candidature de l’Exposition Universelle de 2025 : comment as-tu abordé cette thématique personnellement ?
J’ai été dès l’origine parmi les fervents défenseurs du thème du corps, qui était loin de faire l’unanimité pour en faire le thème de notre projet d’Exposition Universelle. Pourtant, quoi de plus universel que le corps ?
Pour moi, le rôle d’un tel évènement aujourd’hui est non seulement de montrer au monde des avancées technologiques mais aussi de questionner notre monde, de mettre sur le devant de la scène des points de vue différents pour pouvoir avancer et parfois trouver des solutions à certains problèmes.
Dans ce sens, le corps est pour moi un thème véritablement pertinent car il est extrêmement riche et varié selon les individus, les cultures, les modes de vie mais il est aussi complexe, à multiple facettes et peut effrayer. C’est aussi un thème polémique qui peut choquer, perturber et questionner notre société : selon moi, ce sont ces rôles que doit endosser un tel évènement.
Le thème du corps m’a aussi plu dans sa relation avec la nouvelle technologie : j’ai découvert les théories transhumanistes, qui sont passionnantes et plus actuelles que l’on ne le croit.
▪ Le projet du Centre Michel Serres est en compétition avec les projets de grandes Ecoles et Universités (Celsa, ESCP, Sciences Po’, ENS, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) : as-tu ressenti une certaine compétition entre les étudiants ?
En fait, les écoles et universités ne sont pas en compétition. Le but d’ExpoFrance était de puiser dans chacun des projets les meilleures idées pour avoir un projet final riche de toutes les contributions. Par exemple, nous savons déjà que le thème de « l’Hospitalité », proposé par l’lREST – Paris 1 Panthéon Sorbonne a été retenue par ExpoFrance en tant que « valeur » de l’Exposition. Quant au Centre Michel Serres, il semble que c’est l’organisation de l’évènement sur le territoire qui les a intéressés. Si au départ la compétition était très stimulante, il est évident que le projet ne peut être plus complet qu’avec l’apport de l’ensemble de la « jeune génération » et il aurait été dommage de n’en choisir qu’un.
▪ Penses-tu qu’il existe aujourd’hui une légitimité au développement des Expositions Universelles – dont la première manifestation remonte à 1851 ?
Bien sûr ! Il faut simplement apprendre à vivre avec son temps et accepter que le rôle et les valeurs d’une Exposition Universelle au XXIème siècle ne sont plus les mêmes qu’il y a plus de 160 ans…
Il faut dépoussiérer l’image des Expositions Universelles, toujours associées à la révolution industrielle dans les esprits, pour en faire un évènement international fort à la fois festif et porteur de messages. Une Exposition Universelle aujourd’hui, si elle est bien pensée, peut être une véritable opportunité de rencontres et d’ouverture sur le monde. Et si elle est conçue de manière durable, elle peut (et elle doit) être inscrite dans un projet de développement pérenne du territoire qui l’accueille.
▪ Tu as désormais terminé ton stage, que retiens-tu personnellement de cette expérience ?
Ce stage au Centre Michel Serres a été une expérience incroyable tant sur le plan professionnel que sur le plan humain. Il n’a pas toujours été simple de travailler avec des disciplines et des personnalités différentes, voire opposées. Mais c’est finalement ce qui nous attend dans la vie, et je suis ressortie grandie de cette expérience pluridisciplinaire. C’est une méthode que les universités devraient réellement développer, car les disciplines sont encore aujourd’hui trop cloisonnées.
J’ai découvert le monde des « créatifs », notamment des designers, qui sont très différentes de celles que j’ai apprises à l’université : la notion de hiérarchie est très effacée, il n’y a aucune mauvaise idée, tout est bon à prendre, à remanier, à enrichir. Personnellement, j’ai pris confiance en moi en apprenant à exprimer et assumer mes idées. Et puis, c’est assez gratifiant de se dire que si nous avons la chance d’accueillir une Exposition Universelle à Paris en 2025, il y aura certainement des petits bouts de notre travail au Centre Michel Serres…